L’œil du cyclone

La vie est remplie de turbulences, qui se suivent et se répètent comme un éternel recommencement ; cela est tout-à-fait normal. L’adolescent envahi de spleen de mes 17 ans dirait que la vie est un cyclone, un cyclone cyclique.

Je vous invite à partir en avion avec moi : veuillez rester sagement assis, bouclez votre ceinture, et surtout éteignez votre téléphone. Préparez-vous à de nombreuses turbulences.

Ces turbulences proviennent de votre environnement. La vie, qui va trop vite, trop pleine, trop riche peut-être. Trop de sollicitations, désirées ou subies. La vie accélère, comme le décrit bien Hartmut Rosa (1). Le travail, la vie de famille, les injonctions sociales, le progrès que l’on doit apprivoiser (mais n’est-ce pas l’inverse ?), et son corollaire l’hyperconnexion aujourd’hui nécessaire (vraiment ?). Il y a beaucoup de bon dans tout cela, ne le renions pas. Mais méfions-nous de la surcharge, la fameuse charge mentale, de cette forme d’esclavagisme moderne – sommes-nous vraiment libres ? Mais c’est un autre débat.

Ensuite nos turbulences internes : notre moi, présent, et notre ça, inconscient, toujours là en embuscade, envahissant. Mais aussi nos croyances, nos questionnements, nos doutes, nos peurs, nos envies, nos règles et celles que nous croyons être les nôtres…

Heureusement, au milieu de tous ces vents contraires, existe au centre notre être profond, apaisé et vrai. Il suffit simplement de savoir écouter son propre silence au milieu des tempêtes. Comme rentrer dans l’œil du cyclone. Par quels moyens pouvons-nous trouver le chemin, atteindre ce lieu ressource, pour s’y régénérer, se réconforter et se rassurer ?

Les psychotropes ou les toxiques sont une fausse solution, déformant la réalité et altérant les perceptions. Il n’est pas question de fuite dans le voyage que je vous propose, mais de démarche volontaire et salutaire, en amont des difficultés du quotidien. Allez-y dans un esprit de prévention, de ressourcement et d’ensemencement.

De nombreuses expressions peuvent illustrer cette démarche : faire un pas de côté, prendre du recul ou de la hauteur, élargir son champ de vision (son champ des possibles ?), se recentrer. Mais aussi faire abstraction, accueillir, accepter, adopter une posture juste et trouver la conscience pure comme le souligne Thierry Janssen (2). Cela s’inscrit dans une démarche personnelle, et universelle.

Comprendre, voir et sentir au plus profond de soi, que cet espace de tranquillité, ce lieu sûr, existe, qu’il nous accompagne partout, qu’il est toujours possible d’aller y faire un tour, pour s’apaiser, se régénérer et entrer en résonance avec ce calme salvateur. Y aller, simplement, sans fuite, quand tout va trop vite, que c’est trop, mais également quand on se sent bien, en amont des difficultés du quotidien. Il peut être facilitant de découvrir le lieu adéquat, aménager son sanctuaire, au calme. Acceptons ce besoin primordial.

Le chemin pour y accéder est simple, mais le voyage est long, l’apprentissage de soi, de ses émotions, de ses pensées, de son corps, dans son environnement. C’est le travail d’une vie, qu’il n’est jamais trop tard pour commencer.

  • Travailler sur ses émotions, ses pensées, les ressentir et les accepter, les comprendre et les vivre pleinement, sans les subir, par la méditation. Laisser se déposer calmement la neige dans la boule, et apercevoir le trésor qui de cache derrière.
  • Passer par le corps, le mouvement, le ressenti physique des émotions, la connaissance de ce corps qui nous porte (alors que nous le portons au quotidien). Utiliser ce radar émotionnel, par le yoga, la sophrologie, le Tai Chi, le Qi Gong. Utiliser la respiration comme ascenseur vers son fonctionnement interne. Ecouter les sons de la vie et de la nature, de la musique, puis danser.
  • Respirer l’air qui nous enveloppe, marcher pieds nus sur la terre, l’herbe, le sable, regarder et écouter le feu qui crépite, plonger dans l’eau qui purifie. Aller tout en haut, tout au fond, dedans.
  • Prendre conscience de sa conscience à soi et au monde, de son être, son je, expérimenter des états modifiés de conscience, là encore par la méditation, ou l’hypnose. Pourquoi pas grâce aux autres formes de transe ?

Cela relève d’une démarche de connaissance de soi, personnelle, intime, en prenant soin, au sens littéral du terme, de soi. Mais aussi rentrer à l’intérieur de soi, pour mieux comprendre le Monde.

Et vous, connaissez-vous le chemin de votre œil du cyclone ?

1 : Accélération – Une critique sociale du temps (Hartmut Rosa 2010)

2 : La Posture Juste (Thierry Janssen 2020)